Réindustrialisation et crise de l’énergie : quelle ambition pour la sobriété énergétique ? par Isabelle Valentin

Crise sanitaire de la Covid, difficultés d’approvisionnement en matières premières, vagues successives de hausse des prix, augmentation sans précédent du coût de l’énergie, coût élevé de la main d’œuvre par rapport aux autres pays européens, fiscalité lourde, Isabelle Valentin, députée de Haute-Loire et conseillère départementale, s’inquiète pour la compétitivité du tissu industriel français.

1-    Nos entreprises ne sont, encore une fois, pas épargnées par la situation actuelle. Qu’en pensez-vous ?

 

Je suis très inquiète pour l’ensemble de nos filières, tous secteurs confondus. La situation, liée à l’augmentation du prix de l’électricité et du gaz, est un nouveau coup dur pour nos industries. Pour avancer et évoluer sereinement, nos industriels ont besoin de visibilité, à moyen et long terme. Aucune crise n’est insurmontable, à condition de l’avoir anticipé. Nous étions les meilleurs, il y a vingt ans, avec une énergie décarbonée et peu chère. Nous avions tout et nous terminons avec rien ; et c’est toute la chaine industrielle qui se trouve fragilisée.

 

2-    L’industrie plastique est très pourvoyeuse d’emplois dans votre circonscription. Comment cette crise énergétique est elle vécue par les industriels altiligériens ?

 

En effet, plus de 5000 emplois dépendent de l’industrie plastique en Haute-Loire. Au plus fort de la crise Covid, le gouvernement avait classé l’industrie de l’emballage plastique comme un des domaines prioritaires d’activité. Sécurité sanitaire et alimentaire oblige ! Le défi de l’économie circulaire est pleinement intégré par nos industriels qui ont beaucoup investi dans le processus de fabrication. Sobriété, oui : recyclabilité, régénération, incorporation de recyclé, réemployabilité et vertuosité en sont les maitres mots.

La poursuite des investissements nécessaires à la réalisation de cet objectif est aujourd’hui menacée par les surcoûts de l’énergie.

 

3-    Qu’en est il pour les autres filières ?

 

Pour les travaux publics et les secteurs du bâtiment, la conséquence directe est surtout liée à la hausse du prix gazole, modérée par le bouclier tarifaire et les remises de 30 centimes que nous avons voté l’été dernier. En revanche, leur grosse inquiétude concerne le manque de visibilité du côté des collectivités territoriales. Leur budget de fonctionnement fond comme neige au soleil avec les surcoûts de l'énergie. Les projets de construction ou de rénovation sont au point mort.

 

L’industrie agroalimentaire est aussi fortement touchée par les hausses des coûts (chaine du froid, four, etc.). Ce sont de gros consommateurs qui ne pourront répercuter ces charges sur le prix de vente pour garantir leur compétitivité.

 

L'agriculture subit doublement cette crise avec des aléas climatiques (sécheresse, grêle) et le surcoût des intrants et de l'énergie. Toutes les filières sont touchées : de nombreux producteurs d'endives, de tomates arrêtent les productions à cause des surcoûts face à l'Espagne, l'Italie, la Pologne, Israël qui sont de sérieux concurrents. Les terres agricoles sont devenues très prisées par de grands groupes de la finances méthanisation, photovoltaïque, éoliennes : seraient-ils aujourd'hui l'avenir de notre agriculture ? Ambition oui, sobriété oui, mais aurait-on oublié le "bon sens paysan" ? Aurait-on oublié de tirer les leçons de la crise de la Covid ? Qu’en sera-t-il de la souveraineté alimentaire si l'on brade nos terres agricoles ? Je considère quequ’elles ont vocation à nourrir les hommes et que les agriculteurs doivent être rémunérés de façon décente pour cela. C'est un choix politique ; choix politique très affirmé en région Auvergne-Rhône-Alpes avec un budget multiplié par quatre depuis 2016.

 

4- Réindustrialisation et sobriété énergétique : est-ce compatible ?

 

Nous ne pouvons pas demander à nos entreprises d’être compétitives et EN MEME TEMPS leur fixer l’objectif de réduire de 10% leur consommation énergétique d’ici deux ans. Faire plus, avec moins… Sobriété, avez-vous dit ! Commençons par alléger nos formalités administratives, mettons en adéquation notre système normatif avec les normes européennes, faisons confiance à notre jeunesse et donnons-leur les clés d’une formation d’excellence, faisons confiance à nos entrepreneurs, à nos commerçants, nos artisans, accompagnons-les plus sur du conseil plutôt que sur du contrôle répressif. 

L’effort national sur l’énergie n’est pas une nouveauté pour nos chefs d’entreprises ; ceux qui ont pu réduire leurs dépenses énergétiques sans impact sur leurs productions, l’ont déjà fait.

 

J’ai salué et encouragé le regain d’aides au secteur industriel pendant la crise sanitaire. Malgré la volonté de préparer notre pays aux défis par un plan de relance, force est de constater que les obstacles sont encore nombreux : la dépendance aux importations est immense. Nous ne maîtrisons plus nos chaînes d’approvisionnement, ce qui est catastrophique.