Taxation écologique : des mesures qui pénalisent le BTP par Ian Boucard

Ian Boucard est député du Territoire de Belfort, un département qui a une histoire industrielle de plus d’un siècle. Membre de la Commission spéciale chargée d’exa- miner le projet de loi relatif à la croissance des entreprises, il se bat contre l’inflation normative qui ralentit leur développement. De grands changements attendent le secteur du bâtiment et des travaux publics en 2020 et il partage l’inquiétude de nombreux artisans et entreprises. Les entreprises du BTP ont un rôle économique essentiel en France et il œuvre pour plus d’équilibres et de complémentarités entre les territoires.

Les entreprises du BTP se plaignent des mesures prises dans le projet de loi de finances 2020 : quel regard portez-vous sur leurs revendications ? Aujourd’hui, les entreprises payent le prix de réformes prématurées et brutales décidées uniquement pour des raisons budgétaires sans prise en compte des conséquences pour elles sur le long terme. Sous couvert de taxation écologique, le PLF 2020 prévoit, en décidant de supprimer des fiscalités avantageuses, une augmentation des prélèvements sur les entreprises du BTP qui sont déjà affaiblies par la conjoncture économique. Ainsi, l’abrogation du taux réduit de taxe sur le Gasoil Non Routier dont profite le BTP s’ajoute aux recentrages du prêt à taux zéro dans le neuf et du dispositif PINEL dans les zones tendues. Par ailleurs, le plafonnement de l’abattement de 10 % pour les frais professionnels, prévu par voie réglementaire à partir de janvier 2020, conduirait à un nouvel effort financier pour les employeurs de l’ordre de 400 millions d’euros et pénaliserait les salariés qui, travaillant souvent loin de leur domicile, peuvent bénéficier de panier-repas et de frais kilométriques. Cette dernière mesure constituerait une nouvelle hausse de charges pour les entreprises et une baisse du pouvoir d’achat effectif des salariés, bien loin de la promesse de jus- tice sociale. Avec le cumul de ces mesures, le secteur du bâtiment est particulière- ment pénalisé et il est à craindre que ces réformes soient responsables de la disparition de nombreux emplois dans la filière.


Pensez-vous cependant que la suppression de l’avantage fiscal sur le GNR incitera les entreprises à avancer dans la transition écologique ? Les entreprises ont été mises devant le fait accompli d’une volonté du Gouvernement d’accélérer la transition écologique sans concertation avec les filières directement impactées et concernées. Or, le succès d’une transition passe par une concertation de qualité avec le secteur concerné, qui doit démarrer bien en amont pour prendre en compte la réalité des entreprises. La transition écologique ne doit pas passer par une écologie punitive mais nécessite d’investir avant tout dans des alternatives techniques. Les entreprises du BTP et les artisans comprennent pleinement les impératifs environnementaux mais sont actuellement en manque de solutions alternatives : les technologies hybrides ou électriques n’exis- tant quasiment pas dans leur secteur. Si le Gouvernement veut accélérer la transition écologique, il doit investir et inciter les fournisseurs à investir beaucoup plus fortement dans la recherche et l’innovation.

Quels impacts toutes ces mesures ont-elles sur les PME et plus précisément sur les entreprises du BTP ?

Les entreprises sont en difficulté à cause des différentes mesures prises par le Gouvernement. Par exemple, la suppression du TICPE sur le Gasoil Non Routier impacte fortement le poste de dépense des carburants qui pèse de 8 à 10 % du chiffre d’affaires de certaines entreprises. Leurs marges, déjà très réduites actuellement, risquent de baisser de 60 % ce qui est énorme ! Par effet ricochet, ces réformes mettent aussi en difficulté de nombreux artisans, entreprises du bâtiment ou pro- ducteurs de matériaux car c’est plus d’un million de salariés qui travaillent dans ces filières et qui voient ainsi leur emploi menacé. Par ailleurs, les choix budgétaires successifs du Gouvernement, qui ont pénalisé fiscalement ce secteur, ont des conséquences sur les ménages et les consommateurs qui voient les prix augmenter ou qui pâtissent de la fin de certains dispositifs fiscaux. On observe par exemple un recul des dépôts de permis de construire et souvent un renoncement de certains ménages à poursuivre leur parcours résidentiel à la suite du recentrage du Prêt à Taux Zéro dans le neuf. À partir de 2020, les zones non tendues ne seront plus éligibles au PTZ excepté quand il s’agira de très lourds tra- vaux de rénovation, ce qui devrait fortement menacer ce dispositif. Précédemment, le recentrage du dispositif PINEL sur les zones tendues lors de la loi de finances 2019 a défavorisé certains territoires pour lesquels ce dispositif était un levier décisif pour la construction de logements permettant de moderniser et de diversifier l’offre. Tous ces projets qui n’ont pas pu être menés à terme ont constitué autant de pertes de chiffre d’affaires pour les entreprises du bâtiment.

Quel rôle joue le secteur du bâtiment dans notre économie et comment le soutenir ?

Le BTP est un secteur important de l’économie française, puisqu’il représente à lui seul 1,4 million de salariés et artisans qui travaillent dans ce secteur. Il est bon de rappeler que ces emplois sont non délocalisables. Il ne s’agit donc pas d’un secteur à négliger dans les dispositifs d’accompagnement et d’aides financières que l’État peut proposer. Alors qu’avec 140 milliards d’euros de chiffre d’affaires les entreprises du bâtiment représentent à elles seules la moitié du chiffre d’affaires de l’industrie en France et deux fois celui des activités de la banque et des assurances, sans ces dispositifs d’aides, elles sont aujourd’hui menacées par plusieurs facteurs. En effet, en réalisant par exemple 41 % de leur chiffre d'affaires avec les collectivités territoriales, on remarque que les entreprises de travaux publics sont intimement liées aux capacités d'investisse- ment des collectivités. Or, la pression fiscale s’accentue sur elles en même temps que les baisses de dotations de l’État continuent. Les collectivités se retrouvent ainsi dans l’incapacité de pouvoir investir davantage et plongent les entreprises du bâti- ment dans une impasse. Or, pour soutenir la vitalité de ces entreprises qui dynamisent le territoire national, il est nécessaire de faciliter leur accès aux marchés publics, qui reste encore très contraignant, de pérenniser les mesures fiscales d’incitation aux travaux plutôt que de prendre des mesures défavorables à leur encontre.