Faire de la responsabilité sociale et environnementale un atout pour nos entreprises par Martine BERTHET

La responsabilité sociétale est le grand défi de nos entreprises aujourd’hui. Les attentes de nos concitoyens, salariés, clients ou actionnaires, sont de plus en plus exigeantes envers celles-ci et le réchauffement climatique ne laisse pas la place à l’inaction. Mais la marche est haute, même pour les très grandes entreprises. Une nouvelle directive européenne, la directive CSRD, va prochainement être transposée dans notre droit national. Dans un contexte économique délicat, les obligations RSE vont être plus nombreuses et plus complexes. Néanmoins, elles apparaissent comme un outil essentiel pour faire rimer ambition et sobriété. Aussi Martine BERTHET, sénatrice de Savoie, Vice-présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises, co-rapporteure de la mission Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), a participé à la formulation de plusieurs propositions en la matière, avec deux de ses collègues, dans un rapport rendu le 27 octobre dernier.

Nous sommes à un tournant. Il y a quelques années, la démarche RSE était encore relativement rare dans le monde de l’entreprise, quand elle n’était pas de l’écoblanchiment. Aujourd’hui, elle doit devenir la norme permettant d’aborder plus sereinement la profonde transformation qui nous attend. La démarche RSE vise à conjuguer performance environnementale, sociale et de gouvernance. Les entreprises fournissent ainsi des informations financières et extra-financières pour témoigner, auprès de chacun, client, actionnaire ou consommateur, leur application des normes de développement durable et des conditions de travail respectueuses. Celles qui ont su être précurseurs en la matière ont pu fidéliser leurs équipes dans ces temps de turbulence et d’évolution des modes de travail. Elles ont été courageuses car cette démarche incite à repenser toute l’organisation et la stratégie de l’entreprise, à faire communiquer entre eux leurs différents services, financiers, de développement, de direction des RH... Il s’agit de redonner à l’entreprise de l’attractivité et à fidéliser ses salariés. Afin que la RSE soit un outil de compétitivité et de différenciation pour les entreprises, la France ne doit pas manquer l’enjeu de la transposition d’une nouvelle directive européenne sur le sujet. Pour cela, elle doit être à la fois ambitieuse et sobre. Ambitieuse car, bien que se réclamant sans cesse des Accords de Paris de 2015, elle n’est que 154e sur 163 dans le classement des objectifs de développement durable, selon le Rapport mondial sur le Développement Durable. Sobre car elle ne doit pas surtransposer mais simplifier, adapter au secteur d’activité et à la taille des entreprises, les critères d’évaluation. Le règlement européen sur la RSE est complexe et exigeant : règlement SFDR sur la performance financière, taxinomie verte orientant les investissements, directive CSRD sur l’information extra-financière, règlement sur le devoir de vigilance et l’affichage social et environnemental… Or, si dans un premier temps les TPE-PME ne sont pas directement concernées, elles le seront par le biais de la sous-traitance. Aussi s’inquiètent-elles de ces superpositions imprécises, faisant doublon avec les normes nationales existantes. Elles appréhendent les difficultés de méthodes et les coûts importants qui seront liés à ces nouvelles obligations.  Il me semble essentiel que l’Etat puisse mettre à leur disposition une étude d’impact à ce sujet.

Plusieurs mesures de notre rapport visent à convenir d’un principe de proportionnalité du contenu des informations extra-financières exigées, selon la taille et le secteur d’activité des entreprises. Il s’agit de rendre progressive l’application des nouvelles normes dans les PME et les ETI, en leur donnant la possibilité de réaliser des tests d’opérationnalité en amont. Il s’agit aussi de diffuser plus encore le modèle de l’entreprise responsable au sein des conseils d’administration (CA). Cela doit passer par une meilleure formation de leurs membres aux enjeux environnementaux. Enfin, l’un des principaux défis consiste à conserver notre autonomie européenne. Les standards américains se sont imposés dans le volet financier. A notre tour de valoriser notre propre modèle, le plus avancé en matière de normes extra-financières.  L’harmonisation européenne de nos normes RSE est une occasion pour les Etats membres de reprendre la main sur le modèle de société qu’ils veulent défendre. C’est une affaire de souveraineté économique, particulièrement pour les données des entreprises.

           La marche est haute, mais il faut être ambitieux. Nous avons les moyens pour l’être. Pour réussir, nous devons savoir être sobres, précis et proportionnés dans nos normes. La RSE doit donner du sens au travail pour tous. Elle est une réponse logique à la société que nous voulons, qui respecte l’humain et son environnement.