Concilier ambition économique et sobriété énergétique : l’enjeu est-il à notre portée ? par Josiane Corneloup

Dans un contexte budgétaire qui limite la visibilité à long terme, et de crises à répétition qui s’inscrivent dans la métamorphose des comportements, la question de la sobriété énergétique rend encore plus aléatoire l’avenir, et particulièrement celui des entreprises françaises. A peine remises de la crise sanitaire, confrontées à diverses pénuries, à la hausse des matières premières, les voilà aujourd’hui face à la crise énergétique. Si nos acteurs économiques n’ont d’autre choix que de rester ambitieux, à nous de les accompagner au mieux pour assurer cette transition et leur compétitivité. La question n’est plus de s’interroger sur le bien-fondé de la transition énergétique, mais de savoir comment la France, responsable d’environ 1% des émissions de gaz à effet de serre générées annuellement dans le monde, peut relever le défi de la neutralité carbone en trois décennies sans remettre en cause ses modes de vie tributaires des nouvelles technologies. Une équation complexe que Josiane Corneloup, députée de Saône-et-Loire, tente de résoudre

Que penser des préconisations aux entreprises ?

L’augmentation du prix de l’énergie a de quoi nous inquiéter, et encore plus les chefs d’entreprises qui n’ont aucune visibilité sur l’avenir. Lors d’une récente rencontre avec des entrepreneurs de ma circonscription, j’ai pu constater des prévisions d’augmentation de l’électricité jusqu’à 630% à compter de janvier prochain ! Comment faire face à de telles prévisions ? Et comment entendre la demande d’efforts supplémentaires alors que beaucoup de ces mesures (chauffage, éclairage, covoiturage, télétravail…) sont en place depuis longtemps dans les entreprises ; la chasse au gaspillage est une priorité des TPE, PME, artisans et commerçants qui n’ont pas attendu les préconisations du gouvernement.

Les dispositifs déployés peuvent-ils suffire ?

Des organismes comme l’Ademe proposent des guides pour réduire sa consommation avec des petits gestes au quotidien. Des audits permettent d’évaluer précisément la consommation énergétique d’un bâtiment ou d’améliorer certains postes. Le bouclier tarifaire, l’amortisseur d’électricité, de nombreux dispositifs de soutien et d’accompagnement existent. Toutefois, il faut être réalistes : toutes les entreprises ne rentrent pas dans les critères et il ne faut pas oublier non plus que certaines productions nécessitent des machines qui ne fonctionnent aujourd’hui qu’avec de l’électricité ; alors même avec la meilleure des volontés, rien ne peut les remplacer. Il est impératif d’intensifier la recherche pour recourir à de nouvelles technologies.

Comment aller plus loin dans les actions ?

Je suis toujours surprise que les réflexions autour des économies d’énergie ne conduisent à appréhender la sobriété énergétique qu’en proposant une réduction drastique des énergies fossiles. Peu de personnes s’interrogent sur l’impact environnemental du numérique alors que sa consommation en énergie continuera d’être exponentielle. Qui sait par exemple que le visionnage de toutes les vidéos dans le monde produit autant de gaz à effet de serre qu’un pays comme l’Espagne ? Et que dire du secteur spatial, des hébergeurs et fournisseurs des big datas qui réclament de plus en plus d’électricité ? Les énergies vertes peuvent atténuer les effets du numérique mais ne sauraient suffire. Méfions-nous aussi de l’effet rebond, le « paradoxe de Jevons » qui induit qu’une économie sur la consommation d’énergie au profit d’un individu ou d’une entreprise augmente de facto son pouvoir d’achat, et in fine, aboutit à augmenter sa consommation énergétique…

Le groupe SEEB à Chauffailles, spécialiste de l’usinage de pièces à forte valeur ajoutée de moyenne à grande dimensions, en petites et moyennes séries renouvelables, avec un savoir-faire reconnu à l’international.

« Nous n’avons pas attendu les annonces du gouvernement pour agir, expose Patrick Dejean, DG du groupe SEEB à Chauffailles. L’éclairage à leds et la baisse d’un degré des thermostats sont généralisés depuis longtemps mais c’est l’épaisseur du trait. 80% de notre consommation, ce sont nos machines d’usinage dont la consommation est proportionnelle à la production. Le seul poste que nous avons pu améliorer est la technologie pour l’air comprimé, avec des compresseurs à vitesse variable. En place depuis quelques mois, ce système nous permet de consommer moins d’énergie pour une efficacité similaire, et d’économiser 20 à 30% sur la consommation d’électricité liée à la production d’air comprimé. »

 

L’entreprise Ducerf à Vendenesse-les-Charolles, expert du bois depuis 1885, engagée dans une démarche éco-responsable depuis 2002, avec la certification PEFC renouvelée en 2020.

« Le bon sens et la démarche éco-responsable s’inscrivent depuis très longtemps dans l’esprit du groupe, assure Edouard Ducerf, 5e génération de l’entreprise familiale qui reste innovante tout en respectant cette nature qui la fait vivre. Les économies d’énergie, nous avons pleinement conscience de la nécessité de faire plus que ce que nous faisions jusqu’à présent ; c’est pourquoi nous avons sollicité un audit pour évaluer, poste par poste, où nous pouvons encore nous améliorer. Et bien évidemment que nous nous adapterons comme nous l’avons toujours fait. »