Ambition et sobriété, deux nécessités conciliables par Véronique Louwagie

Véronique Louwagie est députée de l’Orne, Vice-présidente de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale qui s’est toujours intéressée à l’environnement. Lors de son dernier mandat, elle était notamment membre de la Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique. Pour la députée, le mot sobriété s’est véritablement imposé dans le débat public ces dernières semaines en lien avec la crise énergétique et le contexte d’inflation croissante. Les collectivités locales, les entreprises ont toujours dû s’adapter et concilier à la fois la sobriété et l’ambition.

Faut-il choisir entre sobriété et ambition ?

Je citerai les propos d’Ibn Khaldun, penseur arabe du XIIIe siècle, lesquels me semblent raisonner parfaitement dans le contexte dans lequel nous sommes. « Les temps difficiles créent des hommes forts, les hommes forts créent des temps prospères, les temps prospères créent des hommes faibles, les hommes faibles créent des temps difficiles ». A vouloir trop fuir la dèche, l’Homme s’est lancé dans une course au confort dont il semble aujourd’hui devoir payer la note.

Le Président de la République a récemment parlé de fin de l’abondance, signe que nous devons nous contraindre à davantage de sobriété. Il ne faut pas pour autant tomber dans l’excès inverse… Prôner le « moins » sans autre forme de procès ne peut conduire qu’à la récession et à des crises aggravées. Il s’agit d’une impasse. Si nous ne faisons pas de la sobriété « autrement », et que nous nous contentions du « moins », avec un mode de croissance qui suppose une consommation permanente, élargie, accélérée, nous allons droit dans le mur.

La vérité se situe dans la nuance, généralement à bonne distance des deux extrêmes. Entre ambition et sobriété, mon choix est de ne pas en faire.

 

Ce dilemme s’est-il déjà présenté à vous ?

Oui. D’abord en tant que Député, j’ai régulièrement l’occasion de recevoir des particuliers, entrepreneurs voire des élus locaux… qui me font régulièrement part de difficultés et d’expériences du quotidien. Il est par exemple question de gestion budgétaire ou, s’agissant des particuliers du pouvoir d’achat. La sobriété leur est imposée.

En tant que chef d’entreprise et Maire, j’ai notamment dû faire face à des contraintes budgétaires et d’investissement.

Bien entendu, si vous multipliez par 2,3 ou 15 les charges courantes d’une entreprise à l’euro près, l’esprit le plus ingénieux ne peut qu’abdiquer à trouver des solutions…

Il faut donc un équilibre raisonnable entre une sobriété nécessaire et une préservation des conditions de l’ambition.

 

Le groupe les Républicains à l’Assemblée nationale a déposé un amendement au projet de loi de finances et à la loi de programmation des finances publiques, réclamant un plan de sobriété bureaucratique. De quoi s’agit-il ?

L’Etat est l’exemple parfait de ce débat. L’Etat prélève l’impôt, ce qui lui confère en retour plusieurs devoirs fondamentaux vis-à-vis des Français. De l’ambition de remplir ces devoirs, émanent des services publics, et donc des fonctionnaires. Malheureusement à trop vouloir se mêler du moindre rouage du pays, l’Etat s’est dispersé dans ses attributions et dans ses dépenses. Face à la situation financière alarmante du pays, à la dette et au niveau colossal des dépenses publiques, les députés les Républicains alertent régulièrement sur les enjeux et la nécessité de renouer avec un Etat efficace et dynamique, plutôt que bedonnant et impotent. Nous demandons une action urgente afin de réduire la dépense publique.

Bien entendu, cela n’est pas simple. Clairement, il ne s’agit pas de priver les Français de services publics du quotidien, ni de rogner sur le budget des missions essentielles de l’Etat. Nous pensons qu’il est possible de réduire drastiquement le train de vie de l’Etat de manière indolore pour la population et les entreprises.

L’Etat doit peser moins lourd et faire plus simple. La bureaucratie doit être mise au régime.

La sobriété est nécessaire, mais elle ne doit en rien nous faire manquer d’ambition. Il ne s’agit pas de faire moins, mais de faire avec moins et donc autrement.

 

S’il fallait résumer cet objectif en quelques mots ?

Moins de cerfa, plus de services !

 

En quelque sorte, vous demandez à l’État de s’inspirer d’une réalité dont les Français, les collectivités locales et les entreprises se sont déjà imprégnées…

Effectivement, les collectivités locales, les entreprises comme les particuliers ont cette exigence que l’État n’a pas. Ils subissent et s’adaptent à la contrainte là où l’État la manie.

Pour les collectivités comme pour les entreprises, cette sobriété imposée n’obère pas pour autant leur capacité à investir, ce qui est vital. C’est aussi une forme de chance, car en définitive une gestion à l’euro près requiert une bonne dose d’inventivité si l’ambition reste intacte.   

Je ne dis pas que l’État doit s’engager à 100% sur cette voie, car les situations ne sont pas comparables. En revanche, il paraîtrait sain que l’Etat s’inspire du fonctionnement des entreprises et des collectivités locales. Il y a un principe simple que chacun comprend, selon lequel l’on ne peut dépenser plus que ce que l’on gagne. En cela, l’Etat doit s’imposer une forme de sobriété, mais en aucun cas, il ne doit renoncer aux objectifs qu’il s’est fixés.