Préparer "le monde d'après" par Jean-Michel Fourgous

Si les prévisions de la Banque de France se concrétisent, l'effondrement de notre économie causé par la pandémie de coronavirus sera sans équivalent depuis que les statistiques de l'Insee existent...

Un impact plus fort que Mai 68

L'estimation de l'impact sur le PIB annuel est ainsi vertigineuse : -1,5 % par quinzaine de confinement et une récession historique de 8 % cette année.

Oui, la violence du choc que nous subissons est inédite. Pour l'OFCE, l'économie française perd 2 milliards d'euros par jour du fait du confinement. Et selon le Fonds monétaire international (FMI), le produit intérieur brut mondial va en effet reculer de 3 % en 2020, bien plus que lors de la grande récession de 2009, quand il avait baissé de 1,7 %.

L'épidémie de Covid-19 pourrait ainsi « doubler le taux de chômage européen dans les prochains mois », estime le cabinet de conseil McKinsey.

Derrières les chiffres, il y a des conséquences humaines et sociales dramatiques : près d’un salarié du privé sur deux en chômage partiel en France, quelque 22 millions de chômeurs supplémentaires aux États-Unis en un mois seulement et des banques alimentaires débordées à travers le monde malgré des initiatives solidaires et citoyennes extraordinaires...

« Helicopter money »

Pour éviter qu'un choc économique de court terme ne se trans- forme en douloureuse dépression économique de plusieurs années, les pays du G20 promettent aussi d'injecter plus de 5 000 milliards de dollars.

C’est ce que certains économistes appellent « l’helicopter money » ou l’abondance monétaire : les banques centrales distribuent abondamment de l'argent aux banques et indirectement aux États et aux entreprises en rachetant leurs dettes.

Si ces mesures sont à la hauteur des évènements, elles n’en font pas moins peser une menace sur l’avenir. Car si l’ensemble des pays ont été touchés de la même façon par le virus, ils ne sortiront pas de la crise dans le même état d’esprit...

L’Allemagne veut ainsi tourner cette page sans précédent et revenir au plus vite à une gestion normale de ses finances publiques, contrairement à la France qui rêve d’un « nouveau monde » où la « création monétaire » remplacerait la discipline budgétaire avec des aides « exceptionnelles » qui risquent (une fois de plus) de se transformer durablement « en acquis »...

Qui paiera ?

Comme les autres États, la France ouvre encore plus grandes les vannes de la dépense publique, mais parviendra-t-elle à les refermer une fois la crise passée ? Car si « l’exceptionnel » devient la règle, alors notre pays risque de connaître des lendemains qui déchantent...

Oui, une fois l’urgence passée, il faudra s’interroger sur la façon de faire face à cette dette colossale, qui devrait bientôt atteindre 115 % du PIB, en espérant que la France puisse continuer d’emprunter dans de bonnes conditions l’argent qu’elle n’a pas...

Il faudra également trouver les moyens de financer des dépenses nouvelles nécessaires, dans la santé et le médicament notamment, sans creuser toujours plus les déficits, ce qui demandera de faire preuve d’une plus grande sélectivité dans l’allocation des ressources publiques.

Attention aussi à la tentation - très française - de mettre en place des impôts supplémentaires, ce que Bercy appelle les « prélèvements exceptionnels », qui risquerait d’être très contre-productive dans notre pays, lui qui détient déjà le triste record du monde de la fiscalité...

Au sortir de la crise, il conviendra enfin de nous réinventer en profondeur, en renforçant considérablement notre indépendance agricole, sanitaire, industrielle et technologique. Que ce soit dans le domaine de l'éducation, de la santé ou encore de la Sécurité, il faudra aussi intensifier nos innovations numériques, elles qui ont montré toute leur efficacité dans ce contexte de distanciation sociale imposée... Comme la réflexion que proposera notre futur colloque, l’ambition de Génération entreprise – entrepreneurs associés est claire : aider la France à tirer tous les enseignements de cette crise inédite. Oui, c’est une urgence.