Les zones de revitalisation rurale : un dispositif utile mais perfectible par Pierre Morel-A-l'Huissier

Elu Député de la Lozère en 2002, Pierre Morel à l’Huissier s’est spécialisé sur les questions d’aménagement du territoire et de la ruralité. A cet égard, au fil de ses différents mandats, il s’est mobilisé et a obtenu des avancées significa-tives sur un grand nombre de problématiques comme le développement des nouvelles technologies, notamment du très haut débit, l’adaptation des normes nationales aux territoires ruraux, le développement et le renforcement de l’attractivité économique à travers le dispositif « Zones de Revitalisation Rurale », le soutien aux Petites et Moyennes Entreprises et à l’artisanat...

Les Zones de Revitalisation Rurale (ZRR) désignent des dispositifs fiscaux et sociaux s’appliquant pour les communes faiblement peu- plées et fragiles d’un point de vue socio-économique. Il s’agit là de prendre en compte les spécificités des territoires à travers leurs fai- blesses. Si les moyens permettant de lutter contre la perte d’attractivité des communes rurales sont réclamés depuis longtemps, le dispositif est cependant programmé pour prendre fin en juin 2020.

Pourriez-vous nous rappeler ceque sont les ZRR, et quels sontleurs objectifs ?

Depuis la loi d’orientation pour l’aména- gement et le développement du territoire du 4 février 1995, certaines zones rurales particulièrement fragiles bénéficient d’un dispositif dit « zones de revitalisation rurale » (ZRR). Le législateur souhaitait maintenir l’attractivité et favoriser le développement des territoires ruraux à travers des aides fiscales et sociales, affectées par exemple à la création ou à la reprise d’entreprises. Ainsi, et sous réserve de remplir certaines conditions liées à l’effectif et à la nature de l’activité, l’artisan, le commerçant, l’entreprise peut bénéficier temporairement :

• D’une exonération d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés
• D’une exonération de contribution éco- nomique territoriale (CET)

• D’une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d’habi- tation
• D’une exonération sur les cotisations sociales en qualité d’employeur

Il est à noter que la loi de Finances pour 2018 a étendu l’exonération d’impôts sur les bénéfices aux entreprises individuelles.

A l’instar de ce qui existe dans les villes et le péri-urbain, à travers les ZFU (zones franches urbaines) et les ZUS (zones urbaines sensibles), il s’agit pour l’Etat de préserver l’attractivité des territoires ruraux confrontées à des conditions difficiles, qu’elles soient conjoncturelles (baisse générale de la population, déprise agricole...) ou structurelles (isolement géographique). Et au fur et à mesure des lois de finances successives, le nombre de communes éligibles aux ZRR s’est accru au point d’en rassembler aujourd’hui plus de 18 000.

Etes-vous satisfait par ce dispositif ?

Divers rapports, notamment parlementaires – le dernier a été présenté à l’Assemblée en novembre dernier – sont venus évaluer l’efficacité de ce dispositif. Les conclusions les plus radicales ont parfois été avancées.

En réalité, il est compliqué de dresser un véritable bilan à travers ce que les ZRR ont permis de réaliser. Tout comme il est périlleux de chiffrer ce qu’elles ont coûté au budget de l’Etat. En tout état de cause, il convient aujourd’hui de s’interroger sur les communes éligibles ainsi que sur le contenu des mesures, et ce afin de redonner aux ZRR leur vocation de soutien au monde économique rural. C’est le travail que bon nombre de parlementaires souhaitent réaliser dans les mois à venir en liaison avec les ministères de l’Economie et des Comptes publics. Il faut une remise à plat du dispositif, un meilleur ciblage ainsi qu’une com- munication efficace sur ce qu’il permet de réaliser. Mais en aucun cas le supprimer, comme certains le préconisent : ce serait une catastrophe.

Ce sujet est d’importance lorsque l’on rappelle que la ruralité représente 80 % du territoire français et accueille près de 20 % de la population, soit environ 14 millions d’habitants. Beaucoup de nos concitoyens ruraux se sentent délaissés voire abandonnés par les pouvoirs publics, et la dégradation de l’attractivité de leur territoire en est l’un des principaux symptômes.

Y a-t-il d’autres mesures qui pourraient être appliquées en complémentarité des ZRR ?

Les nouveaux outils numériques ainsi que l’apparition de startup dans le secteur du numérique conduisent à des possibilités d’installation d’entreprises dans le monde rural. Le télétravail ouvre largement les possibilités, et peut être largement encouragé pour favoriser l’installation d’une nouvelle catégorie d’actifs. Il appartient aux décideurs politiques d’accompagner à la fois ces mutations technologiques mais aussi ces porteurs de projet afin de revivifier les territoires ruraux... si les infrastructures suivent. Ainsi du réseau cuivre par lequel passe internet, dont je dénonce les dysfonctionnements depuis plusieurs années.

Mais si tout le monde joue le jeu, je ne vois pas pourquoi la ruralité, avec tous les atouts dont elle dispose, serait moins attractive qu’ailleurs.