Donner du temps à nos entreprises de plasturgie pour une transition écologique réussie par Isabelle Valentin

Alors que le Projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire sera étudié, à l’Assemblée nationale, avant la fin de l’année, Isabelle Valentin, députée de la Haute- Loire et conseillère régionale Auvergne- Rhône-Alpes, souhaite encourager la recherche et l’innovation sur l’économie circulaire et le recyclage.

Qu’entendez-vous par « plastic bashing » ?

Chez moi, en Haute-Loire, plus de 5000 emplois dépendent de l’industrie plastique. C’est une filière jeune, qui s’est mise en place dans les années 1960, la filière textile déclinant. L’industrie plastique renvoie souvent une image négative alors qu’il est difficile aujourd’hui de remplacer le plastique dans certains domaines, avec des alternatives qui ne sont pas toujours meilleures pour la santé et l’environnement. L’interdiction totale du plastique est, à ce jour, inenvisageable.

Il convient aujourd’hui d’apporter des réponses aux défis contemporains. Le défi de l’économie circulaire est déjà en œuvre et pleinement intégré. Nos entreprises sont capables de recycler et de régénérer, il faut néanmoins leur accorder du temps pour poursuivre ou aborder une transition sereine et concertée, et confirmer leur place dans cette nouvelle économie circulaire. Ainsi, pour que la transition écologique réussisse, il faut allier préservation des emplois industriels sur les territoires, développement et aménagement de ceux-ci et réduction de l’impact environnemental.

Dans quelle mesure convient- il d’alerter les industriels sur la problématique environnementale ?

Les industriels ont, en effet, tout intérêt à intégrer plus de « recyclé » même si, à l’heure actuelle, la rentabilité du recyclage sur les emballages plastiques est encore difficile. Le zéro plastique serait une hérésie. Tous les industriels de ce secteur d’activité doivent, bien entendu, prendre conscience des efforts environnementaux à réaliser dans ce domaine. Il convient toute- fois, de garder à l’esprit que, dans certains cas, il faudrait des emballages quatre fois plus lourds pour remplacer le plastique par des matériaux alternatifs. Ce qui multiplie- rait par trois l’impact CO2 (réchauffement climatique). Il n’est également pas question de substituer au plastique le tout carton ou le verre. Chaque matériau doit être adapté à son usage. Or, l'emballage plastique assure la sécurité alimentaire et sanitaire. Une interdiction couplée à une obligation de substitution apporterait un résultat contraire à l’instauration d’une économie circulaire avec un développement d’embal- lages non recyclables et une atteinte à la compétitivité même de nos entreprises. Le plastique est le seul matériau à faire l’objet d’une réglementation aussi stricte alors même que son bilan carbone s’avère meilleur que celui d’autres matériaux.

Le problème n’est pas uniquement le déchet plastique. Pourquoi faire porter une responsabilité à des industriels alors qu’on est sur un problème de civisme et de citoyenneté ? La guerre n'est pas à faire contre le plastique mais contre tout ce qui est abandonné dans les mers : sacs, tissus, électroménager et objets divers. Il en va de la responsabilité de chacun.

Quels sont, selon vous, les vecteurs de l’économie circulaire ?

Sans hésitation, la collecte, le recyclage et la régénération !

Seul l’accroissement des capacités de collecte sur l’ensemble du territoire est à même de répondre à la demande d’incorporation accrue de matière recyclée pour l’ensemble des emballages plastiques. Néanmoins, cette incorporation de maté- riel recyclé fait aujourd’hui face à certains obstacles comme le transport de certains produits. Il conviendrait ainsi de reconsidérer ces standards à la lueur des techniques de recyclages actuelles et de la maximisation des taux de collecte : harmonisation du schéma de tri, mise en place de codages de consignes de tri sur les emballages eux-mêmes, collecte séparée des biodéchets. L’industrie plastique doit impérativement travailler l’amont et l’aval de la filière. Tel est leur principal défi. Depuis plusieurs décennies, nos entreprises altiligériennes ont entamé une importante mutation avec le lancement des premières usines de recyclage de plastique pour valoriser les déchets. Nous sommes passés d'une économie linéaire à l'économie circulaire, puisqu'il s'agit de réutiliser le produit plutôt que de le jeter. En 2019, 25 % du plastique destiné au commerce (emballage autour des packs de bouteilles d'eau, de papier toilettes, de briques de lait, etc.) et à l'agriculture sont durables avec une partie recyclée, l'autre biossourcée. L'objectif serait de passer à 45 % d'ici 2025. La régénération constitue également un processus de valorisation du plastique qui permet aux recycleurs de produire des granulés haut-de-gamme et donc d’être moins dépendant des prix du pétrole. Cette technique est à encourager fortement car une transition réussie ne pourra que passer par l’innovation.


Peut-on parler d’une certaine cohérence entre objectifs européens et droit français en matière d’économie circulaire et de recyclage ?

Autour de la question du traitement de nos déchets, du tri et de l'utilisation du plastique, il faut avant tout que l'Europe prenne les moyens de traiter ses propres plastiques plutôt que de les envoyer sur d'autres continents. C’est une première mesure de bon sens pour améliorer la tran- sition écologique. Traitons le mal à la base ! Il en va de la responsabilité politique de l'Union européenne.Le projet de loi relatif au gaspillage, dont l’examen est à venir, doit rechercher une cohérence d’ensemble entre les directives européennes et éviter une course à la surtransposition du droit européen dans le droit national en instau- rant une multitude de nouvelles contraintes visant les emballages plastiques. Cette cohérence est un véritable gage de stabilité pour l’emploi, pour l’environnement, pour l’avenir et la transformation de nos industries françaises.