Défendre le bon sens pour nos entreprises françaises par Virginie Duby-Muller

Virginie Duby-Muller est Députée de la 4ème circons-cription de la Haute-Savoie depuis le 17 juin 2012,membre de la Commission des Affaires culturelles et de l’éducation, de la Délégation aux droits des femmes, et de la Commissionsupérieure du Numérique et des Postes.Elle est 1er Vice-Président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale.

Diplômée de Sciences Po Grenoble en 2000 (section Service Public) et d’un DESS Économiste d’Entreprise (UPMF Grenoble), elle fut collaboratrice par-lementaire de Marc Francina, Député-Maire d’Evian-les-Bains, et de Jean-PierreLe Ridant, Député de Loire-Atlantique à Paris de 2002 à 2007.

De 2007 à juin 2012, elle fut responsable de la permanence d’Annemasse de Claude Birraux, Député sortant etConseiller Général.

Elle devient Conseiller départemental du canton de Saint-Julien-en-Genevois,en mars 2015, et fut Vice-Président du Conseil départemental en charge des Affaires transfrontalières et européennes jusqu’en juillet 2017. Elle fut égalementPrésident du Syndicat mixte d’aména-gement du Genevois (SMAG) de 2015 à 2017, et Président du Conseil du Léman.

En tant que parlementaires, nous contrôlons l’action du Gouvernement, mais nous nousdevons aussi d’être force de proposition.Parmi nos armes pour agir : les proposi- tions de lois. Nous sommes souvent aler- tés par nos concitoyens sur des pratiques législatives qui fonctionnent mal, qui les ralentissent voire les handicapent.

J’ai ainsi été interpellée en mars 2018 par un article de presse relatant la situationubuesque dans laquelle se retrouvait le chef d’entreprise d’une PME. Il venait de recevoir un courrier de 9 pages de l’Inspec- tion du travail, l’alertant sur une soi-disant fraude réalisée par l’un de ses salariés. Le« fraudeur » en question... utilisait ses tickets restaurant le week-end ! L’anecdote peut faire sourire, mais les conséquences de cette situation sont dra- matiques : l’Inspection du travail, après avoir réalisé une « enquête » au McDonald’s, là où la « fraude » a été constatée, demande au chef d’entreprise de leur transmettre une fiche d’identité pénale détaillée sur son entreprise, et de joindre, pour le sala- rié concerné, de nombreuses informations personnelles : état civil, numéro de sécu- rité sociale, identité des parents, adresse personnelle, courriel personnel, statut, contrat de travail, bulletins de paie et rele- vés horaires... Et si le chef d’entreprise, qui a, on peut facilement l’imaginer, bien mieux à faire de son temps, refuse d’ob- tempérer, il pourra être sanctionné parune amende de 4ème classe, par salarié. Soit 135€/salarié.

Je suis restée marquée par cette histoire.

Comment peut-on en être arrivé en France à sanctionner un chef d’entre- prise, pour l’utilisation de ticket restau- rant de son salarié (qu’il a lui-même en partie payé) le week-end, dans un restau- rant ? Leur but premier n’est-il pas de leur permettre à chacun de gagner du pouvoir d’achat ? Le pouvoir d’achat et le panier de consommation de nos concitoyens doit-il est contrôlé entre la semaine et le week-end ? Les chefs d’entreprise, comme l’Inspection du Travail, n’ont-ils pas mieux à faire de leur temps ?

En réalisant plusieurs recherches législatives, je me suis rendue compte que le Code du Travail prévoit une réglementation particulièrement stricte concernant les titres-restaurant : cet avantage ne peut être utilisé que dans la zone géographique dans laquelle il lui a été remis. Un salarié de Haute-Savoie utilisant un ticket restaurant dans une aire d’autoroute du Sud de la France, même pendant ses heures de travail, serait ainsi « hors-la-loi ». L’utilisation du titre-restaurant est également interdite le dimanche et les jours fériés, à moins qu’il s’agisse d’un jour de travail. Elle est aussi limitée à un montant de 19 euros par jour.

Ces dispositions ont été instaurées en période de prospérité économique. La situa- tion en France aujourd’hui est tout autre : avec la crise économique des dernières années, la montée du chômage, les hausses d’impôts, et malgré une timide reprise depuis 1 an, nous ne pouvons-nous permettre d’handicaper davantage les français.

Le manque de souplesse actuel du Code du Travail sur l’utilisation des titres-restaurant se montre très problématique : chrono- phage et coûteux pour les chefs d’entre- prises, qui se retrouvent dans des procé- dures administratives délicates avec leurs employés ; improductive et injuste pour les salariés, qui ne peuvent profiter au mieux de l’avantage que peut représenter un ticket restaurant pour leur pouvoir d’achat ; et des enquêtes interminables pour l’Inspection du travail, alors que d’autres probléma- tiques urgentes et stratégiques doivent mobiliser les inspecteurs.

Aussi, à l’heure où nous devons changer la culture de l’administration vis-à-vis des entreprises et des contribuables, j’ai donc voulu défendre une mesure pragmatique, de bon sens. Ma proposition de loi, enregistrée par le Bureau de l’Assemblée nationale le 21 mars 2018, propose d’assouplir l’utilisation des tickets restaurant dans le Code du Travail, pour garantir leur but premier : assurer le déve- loppement d’une aide au repas bénéficiant d’un régime fiscal et social favorable, tant pour les entreprises que pour les salariés. Concrètement, mon texte modifie le Code du Travail pour y autoriser l’utilisation des titres-restaurant tous les jours de la semaine et dans l’ensemble de la France. Je propose aussi de doubler le plafond journalier de dépenses possible en titres-restaurant (de 19 euros à 38 euros).

Pour la croissance et le développement de nos entreprises, mais aussi pour le pouvoir d’achat des français, je pense qu’il n’y a pas de petits combats. La France a trop souffert ces dernières années d’une culture « anti-patrons », voire « anti-entreprise ». Nous devons tout mettre en œuvre pour garantir un bon sens administratif à l’égard de nos concitoyens. C’est un combat que je souhaite continuer à mener.