Illusion ou bon sens : Quel sort à accorder à la TVA sociale ? par Philippe Dominati et François Baroin

Adoptée à la fin du mandat présidentiel de Nicolas Sarkozy, la TVA sociale avait pour objectif d’augmenter le taux normal de TVA à 21,6% en contrepartie d’un allégement des charges patronales. L’actuelle majorité socialiste s’était empressée de supprimer cette réforme symbolique du quinquennat de Nicolas Sarkozy… avant de revenir, deux ans après, avec un CICE contesté et une augmentation des taux normaux et intermédiaires sur la valeur ajoutée.

La TVA sociale est-elle un remède aux problèmes de compétitivité ?

Philippe Dominati, sénateur UMP de Paris, membre de la commission des finances, ne croit pas en l’opportunité d’une telle mesure. Il s’est d’ailleurs distingué lors de l’examen du projet de loi de finances rectificatif pour 2012 en ne soutenant pas l’amendement de son groupe politique à ce sujet.

François Baroin, député de l’Aube, reste convaincu par la nécessité de la TVA sociale pour doper la croissance. Il a d’ailleurs défendu cette réforme lorsqu’il était ministre de l’Economie. 

 

Quels sont les objectifs de la TVA sociale et quelles seraient ses conséquences ?

 

Philippe Dominati :

 

Cette mesure magique, pleine de promesses, pourrait résoudre un grand nombre de maux. Pourtant il s’agit d’une augmentation d’impôt de l’ordre de 13 milliards d’euros, payable par tous les Français, alors que ces derniers sont saturés par la pression fiscale. Sur le plan technique, le débat fut long et laborieux et il ne s’est achevé que par l’alternance qui a obligé l’opposition à se regrouper sur une posturequi se voulait cohérente.

 

Cette solution fiscale est censée détaxer le coût du travail en transférant sur le consommateur des charges qui incombent aujourd’hui à l’entreprise. Elle aurait pour vertu de faire contribuer les produits importés au financement de notre protection sociale et permettrait de lutter contre les délocalisations en dopant la compétivité de nos entreprises.

 

Ces trois atouts me semblent très contestables car, si je suis évidemment favorable à une baisse des charges sociales pour nos entreprises, je ne suis pas favorable à un transfert au détriment des consommateurs. Cette mesure est bénéfique pour la population active productive mais, au détriment de l’ensemble des Français. La droite n’a t- elle pour ambition que de transférer la charge fiscale alors que nous ne cessons de dénoncer le niveau historiquement élevé des prélèvements obligatoires ?

 

Le deuxième argument, lutter contre les délocalisations, semble séduisant, mais ce n’est pas le produit qui paie l’impôt, c’est l’utilisateur. Croire qu’augmenter le prix d’un smartphone américain ou asiatique permettra à ces firmes de payer pour notre protection sociale est illusoire puisque en définitive c’est le ressortissant français qui paiera plus cher ce produit au détriment de son épargne ou de son pouvoir d’achat. Sans compter que dans les zones frontalières cette mesure incitera les riverains à acheter ces produits hors de France.

 

Enfin, une TVA sociale pour doper la compétitivité, ce dernier argument me semble disproportionné. Je ne peux que souscrire à cet objectif mais je doute qu’une mesure qui impactera l’ensemble de nos entreprises et dont la plupart sont des entreprises de service, par nature peu-délocalisables, fera gagner à nos entreprises industrielles une marge suffisamment significative pour lutter contre les industries des pays émergents. L’avantage peut s’inscrire dans l’espace européen à condition que nos voisins ne fassent pas de même.

 

François Baroin :

La TVA sociale a pour ambition de permettre le redressement de notre économie et de favoriser la compétitivité de nos entreprises. Ces objectifs sont nobles et structurants afin de répondre avec efficience au contexte économique et budgétaire présent. En effet, la crise économique et financière, sans référence comparable depuis 1929, a conduit les responsables politiques, que nous sommes, à concevoir de nouvelles réponses adaptées et soutenables tant pour les contribuables que pour les entreprises. Une action guidée par le désir de maintenir une pression fiscale acceptable pour les ménages et les entreprises mais aussi de réduire la dette et les déficits publics. La TVA sociale a ainsi pour fondement de réaliser un transfert des charges imputables aux entreprises sur les consommateurs. Un mécanisme permettant de préserver et de renforcer la compétitivité de nos entreprises. Dans cet esprit, le Président Nicolas Sarkozy avait annoncé en février 2012,  l’instauration de la TVA sociale permettant de garantir lefinancement de la protection sociale et de diminuer les charges sociales supportées par les entreprises.

Initialement, la TVA a été instituée en 1954 sur le principe de mettre à contribution les consommateurs sans pour autant pénaliser les différents facteurs de notre système de production. Une taxe à la charge des consommateurs permettant de générer annuellement près de 50% des recettes fiscales nettes de l’Etat. La TVA est ainsi la recette la plus importante pour l’Etat et a représenté pour le budget 2013 près de 141 milliards d’euro. La TVA est par sa nature classiquement qualifiée detaxe simple, transparente et prévisible par les acteurs économiques. Elle est ainsi considérée comme simple et transparente en raison du fait que celle-ci est supportée équitablement par l’ensemble des consommateurs.  Par conséquent, le taux de recouvrement est nettement supérieur aux autres impôts, tel que l’impôt sur le revenu. La TVA demeure une charge fiscale juste, en raison d’une modulation de son taux, lequel est déterminé selon la nécessité du produit de consommation. Une assiette fiscale large et un faible taux sont les principes directeurs de la TVA, laquelle est par conséquent un des instruments du sérieux budgétaire tout en sauvegardant la compétitivité de nos entreprises. 

Une augmentation de TVA concevable en raison du fait que la France connaît un taux de TVAnettement inférieur à la moyenne des pays de l’Union Européenne.  La moyenne des Etats membres de l’Union Européenne est de 21,45% et pour les Etats membres de la zone euro celle-ci est de 20,7%. Dans ce contexte, une réorientation de la fiscalité vers les consommateurs semble soutenable. En remontant les différents taux de TVA, le premier janvier 2014,  le gouvernement estime collecter 6 milliards d’euros supplémentaires en 2014. Un alignement sur la moyenne de la zone euro permettrait ainsi près de 10 milliards d’euros de recettes supplémentaires au budget de l’Etat.

 

 

Pour vous, la TVA n’est pas en mesure d’améliorer la compétitivité de nos entreprises ?

 

Philippe Dominati :

 

S’il est clair que la diminution des charges sociales est de nature à améliorer les marges et la compétivité de nos entreprises, je crains que le transfert de la charge financière d’une telle mesure sur le pouvoir d’achat des Français soit bien plus destructeur.

 

François Baroin :

 

La TVA sociale est incontestablement un des instruments permettant de repositionner la fiscalité au profit des entreprises, d’une part, en dopant leurs compétitivités et, d’autre part, en luttant contre la délocalisation de leurs activités. Des recettes supplémentaires générées par la hausse de la TVA, permettant de réduire les charges fiscales des entreprises, tout en préservant les contraintes budgétaires engagées et nécessaires. Un transfert de la pression fiscale entrainant une diminution du coût du travail et par conséquent un repositionnement efficient de nos entreprises sur les marchés européens et internationaux.   La TVA sociale est un contrat de confiance entre les acteurs politiques et les acteurs économiques fondé sur le principe selon lequel une baisse des charges va entrainer une relance de l’activité, laquelle permettra ensuite une diminution du chômage. De cette équation structurante, nous devons créer des conditions d’un choc de compétitivité, structuré sur une baisse réelle du coût du travail. La TVA sociale est au service de la compétitivité car les produits importés sont tous soumis à la TVA quand ceux exportés y échappent par définition. Ainsi, la hausse de la TVA permet de faire financer partiellement le déficit budgétaire par les importateurs.

 

 

 

Cette mesure est tout de même souhaitée par une majorité de parlementaires UMP ?

 

Philippe Dominati :

 

Oui mais, cette mesure est néfaste pour l’UMP sur le plan politique. Elle semble indiquer que nous ne sommes pas capables, contrairement à nos engagements, de réaliser des économies et que pour un gain de 13 milliards sur un total de 967 milliards d’euros  nous ne pouvons qu’envisager un transfert de charge. Il faut pourtant se rappeler que cette mesure avait été pour la première fois suggérée par Jean-Louis BORLOO lors de son court passage au ministère des finances et que ce fut l’objet de son remplacement par Madame Christine LAGARDE en juin 2007. Ce fut ensuite Manuel VALLS et Jean-Marie LE GUEN qui proposèrent cette mesure le 14 octobre 2010 en s’inspirant de ce qu’avait fait le chancelier SCHROEDER en Allemagne sur un point de TVA. Cette idée est un progrès pour la gauche puisqu’elle admet que l’entreprise ne doit pas payer seule pour la protection sociale, mais cette idée est une régression pour la droite puisqu’elle semble démontrer son impuissance à s’orienter vers une baisse réelle des prélèvements obligatoires.

D’ailleurs, les Français ne se laissent pas tromper et ils sont nombreux à ne pas faire confiance aux hommes politiques qui n’osent pas appeler une augmentation d’impôts par son vrai nom. A l’heure où, pour la troisième année consécutive, nous apprenons que la consommation est en stagnation, je ne peux souscrire à une mesure qui affecte aussi sûrement ce moteur de la croissance.

 

François Baroin

Le contexte économique et budgétaire actuel impose aux Parlementaires UMP, de faire preuve de sérieux et de responsabilité. Car il est illusoire de promettre une baisse globale de la pression fiscale. Il est ainsi nécessaire de réorienter la fiscalité en faveur des entreprises et de leurs investissements. La TVA sociale étant ainsi un des éléments constitutifs du pacte de confiance que nous devons passer avec les Français et en particulier avec les entrepreneurs afin de conserver notre compétitivité et notre attractivité économique et financière.