Assez de pactes, pas assez d’actes par Olivier Carré

Député du Loiret

Membre de la commission des finances

Co-Président du groupe d’études sur les entreprises

Vice-président de GEEA

Des pactes aux actes, le chemin semble bien laborieux. Pacte de stabilité, pacte de compétitivité, pacte de responsabilité, puis pacte de responsabilité et de solidarité : quatre pactes entre novembre 2012 et mars 2014. Et aucun n’a été respecté par son auteur.

Depuis que le pacte de stabilité a été voté –rappelons que ne pas le mettre en œuvre a fait partie des arguments du candidat de gauche à la présidentielle-, les déficits publics se réduisent mais de la moitié de ce sur quoi la France s’était engagée. Le plus grave, c’est que le Gouvernement ne veut pas entendre qu’aujourd’hui, le niveau de la fiscalité est tel, qu’il impacte la croissance organique de notre pays. Ainsi, ce n’est pas la réduction des dépenses publiques –elles sont stables voire en très légère hausse- mais la hausse sans précédent de la fiscalité qui plombe la croissance, donc nos recettes fiscales et donc une moindre diminution de nos déficits.

Le pacte de compétitivité suivait le rapport Gallois. En fait, il permettait à François Hollande de renier, sous pression de nos partenaires européens, ce sur quoi il avait été élu. Le CICE est né à ce moment-là, en décembre 2012. Il faudra attendre mai 2014 pour que les entreprises en bénéficient, souvent à leur plus grande surprise. Les 20 Milliards d’euros d’impôts supplémentaires de 2012 et de 2013 seront restitués sous forme de crédit d’impôt. Dont acte. Complexe, ce dispositif va aider à l’investissement mais pas forcément à l’emploi. En tout état de cause, dans une conjoncture très atone, le chèque du trésor est le bienvenu, notamment pour les PME et les ETI.

Début 2014 : exit le pacte de compétitivité et vive le pacte de responsabilité. Quelle responsabilité ? Personne ne le saura jamais. Si c’est celle de l’Etat, certes, il fera le chèque CICE comme prévu. Mais entre-temps, de nouvelles contraintes se sont abattues sur les entreprises : pénibilité, loi Florange, entrave au temps partiel et j’en passe. Dans ce contexte, le chef de l’Etat a transformé l’annonce par le président du MEDEF de la création d’un million d’emplois si les charges patronales étaient à nouveau abaissées, en obligation de résultats alors que ce n’était qu’un objectif. En quoi les entreprises peuvent-elles s’engager envers l’Etat ? En rien. Elles peuvent s’engager envers leurs clients, leurs salariés ou leurs actionnaires. A l’inverse, parce qu’il influence l’environnement dans lequel elles interviennent, l’Etat est responsable vis-à-vis des entreprises d’une partie de leurs conditions d’exploitation. Faire le chèque du CICE ne l’exonère pas d’être attentif à créer un climat de confiance qui ne peut pas être miné à chaque coin d’article de loi sur le travail, sur la consommation, sur le patriotisme économique. A peine énoncé, le Pacte de Responsabilité était déjà compromis par le niveau d’ambiguïté qu’il nourrissait.

Quelques semaines après les vœux, le pacte de responsabilité s’est vu rattaché les mots « et de solidarité ». On avait « donné » aux patrons ; il fallait « donner » aussi aux salariés. La logique de la contrepartie est toujours à la manœuvre. Aussitôt que les entreprises demandent et obtiennent le report du compte pénibilité, les salariés obtiennent un avantage –non financé- qui abaisse d’un an l’âge à partir duquel les points pénibilités compteront double. Cette échelle de perroquet est mortelle pour les finances publiques. Cela fait 30 ans que les gouvernements achètent la paix sociale en faisant des chèques à crédit. Et celui d’aujourd’hui continue de plus belle, quelques soient les engagements qu’il a pris. Si François Hollande a raison de fustiger la surenchère syndicale –de quelque bord qu’elle vienne-, il fait tout pour l’entretenir.

Depuis le début de son quinquennat, alors que l’environnement européen n’a rien à voir avec les turbulences qu’avait connues son prédécesseur, il ne cesse de louvoyer faisant passer ses paroles pour des actes, cédant souvent au dernier qui a parlé. Encore une fois, les entreprises ont besoin d’une ligne claire, d’une administration qui leur facilite la vie en leur fichant la paix. On cite de plus en plus la phase de Reagan : « Il n’y a rien de plus terrifiant qu’un fonctionnaire qui ouvre la porte d’une entreprise et qui dit :  Je suis là pour vous aider ». La hausse de la fiscalité et de la bureaucratisation de l’économie française est unique dans l’OCDE en cette sortie de crise. Le résultat est sous nos yeux. Alors que les secteurs qui repartent dans le monde sont ceux pour lesquelles de nombreuses entreprises françaises sont championnes, celles qui restent dans notre hexagone sont en panne. Pire, nos principaux compétiteurs, l’Espagne, le Portugal, la Grande-Bretagne, ont bénéficié de relocalisations industrielles et sont redevenues créateurs nets d’emploi. Les investissements qui s’y sont déployés pendant la crise jouent aujourd’hui à plein tandis notre appareil productif français vieilli. Il est à craindre que nous continuions à vivoter en marge d’une croissance mondiale qui ne s’intéresse plus à nous.

Seule petite lueur dans ce sombre tableau, l’initiative du secrétaire d’Etat en charge de la simplification, Thierry Mandon, qui a mis les entrepreneurs au cœur du dispositif de la réforme de l’Etat. C’est courageux et sans doute utile. Si, comme il le souhaite, le monde de l’entreprise peut s’emparer d’un projet de loi et donner sa propre lecture de l’impact qu’elle aura sur l’investissement et sur l’emploi, nous aurons fait un pas dans le bon sens ; trop rare pour ne pas être salué.