Objectif 200 000 exportateurs français par Pierre Cordier

Pierre Cordier, Député (apparenté LR) et Conseiller départemental des Ardennes, a été nommé rapporteur d’une mission d’information sur la diplomatie économique. Retour sur 8 mois de travaux.

Au printemps 2018, j’ai été chargé par la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, d’une mission d’information sur la « diplomatie économique ». Derrière cette expression, il y a une réalité bien concrète : il s’agit d’accompagner nos entreprises qui cherchent des clients à l’étranger. Les règles sont parfois complexes et changent d’un continent à l’autre, c’est pourquoi le soutien d’organismes d’Etat spécialisés comme Business France, Expertise France ou encore l’Agence française de développement sont indispen- sables. La diplomatie économique, c’est aussi la prise en compte des enjeux économiques, notamment commerciaux, dans le contexte de tensions internationales, en particulier de la Chine et des Etats-Unis. Durant 8 mois, avec mon collègue du Maine-et-Loire Denis Masséglia, nous avons auditionné 30 personnes d’horizons divers, allant des représentants de nos administrations nationales ou régionales, à des chefs d’entreprises.

Pour se « frotter » aux marchés internationaux il faut déjà en avoir envie, puis s'en donner les moyens en étant accompagné par des dispositifs publics pertinents. Mais nous avons constaté que, malgré des efforts considérables réalisés ces 10 dernières années, le bilan du dispositif public d’accompagnement des entreprises reste mitigé car il est jugé trop complexe par les dirigeants d’ETI et de PME.

Cela fait plus de quinze ans que les échanges extérieurs de marchandises de la France sont déficitaires. L’année dernière, le solde commercial de la France s'est détérioré passant de 57,8 milliards en 2017 à 59,9 milliards en 2018, soit une nouvelle baisse de 2,1 milliards d'euros ! Et en même temps, les échanges extérieurs de services, qui compensent en partie ce déficit, voient quant à eux leur excédent fondre. Il faut en comprendre les raisons pour trouver des solutions !

Toutes les personnes auditionnées ont évoqué un problème de compétitivité, notamment parce que le coût de la main d’œuvre est plus élevé en France. Par ailleurs, la France n’a pas encore la culture de l’export. On constate en effet que nos entreprises vendent souvent à l’export les surplus de produits destinés au marché français, alors que nos voisins européens produisent spécialement pour l’export, en prenant en compte les attentes des clients potentiels. Enfin, le niveau d’anglais des cadres de PME-PMI semble très insuffisant pour aller à la conquête de nouveaux marchés.

Trop souvent, à cause de ces trois facteurs : coût de la main d’œuvre, défaut de culture de l’export et niveau d’anglais insuffisant, les chefs d’entreprises n’osent pas se lancer.

Dans le rapport d’information que nous avons remis à la Présidente de la Commission des Affaires étrangères le 19 septembre 2018, nous avons rappelé que la dimension internationale doit être placée au cœur de toutes les politiques publiques et systématiquement prise en compte dans toutes les décisions concernant ces politiques, que ce soit en matière économique, sociale ou éducative.

Nous avons fait 19 propositions qui se veulent à la fois rassurantes et ambitieuses pour aller vers l’objectif de 200 000 exportateurs. Certaines de ces 19 propositions, très concrètes, pourraient être mises en œuvre rapidement. Il faut mettre en place rapidement un guichet unique pour simplifier les démarches des entrepreneurs, en garantissant une meilleure complémentarité et coopération entre les différents acteurs, notamment Business France, les chambres de commerce et d’industrie, Expertise France et l’Agence française de développement.

Les entreprises ont également besoin d’une nouvelle plateforme numérique attrayante et fonctionnelle. Celle-ci doit répondre efficacement aux questions que se posent les PME qui veulent exporter sur les règles et procédures douanières, les règles et pratiques sur tel ou tel marché étranger en matière de contrats, de paiement, de facturation, de livraison, fiscalité, etc...

La création d’un « VIE senior » permettrait également aux entreprises de se lancer sur un nouveau marché avec l’aide d’un consultant expérimenté. Ce nouveau dispositif s’inspirerait du succès du programme de Volontariat International en Entreprise, dit VIE, qui permet aux entreprises de bénéficier à l’étranger du concours de jeunes professionnels dont l’indemnisation est prise en charge, en général à 50 %, par les régions.

Par ailleurs, il est évident que pour augmenter significativement le nombre d’entreprises exportatrices, il faut développer des offres à coût très réduit de diagnostic-export et de premier accompagnement à l’export pour les PME.

Nous préconisons dans notre rapport d’autres mesures qui mettront plus de temps à se mettre en place, comme le ren- forcement des formations à l’international et aux langues, et la consolidation des réseaux d’anciens élèves, les « alumni ». Il est dommage de perdre de vue des personnes qui ont été formées en France et sont retournées dans leur pays pour y occuper des postes à responsabilité. Les universités devraient se rapprocher du réseau diplomatique pour ne pas perdre le contact avec ces « alumni ».

Nous pourrions également envisager la mise en place de mesures fiscales pour orienter l’épargne des Français vers les entreprises exportatrices. Enfin, la diplomatie parlementaire - via les groupes d’amitié, jumelage entre parlements nationaux - pourrait contribuer à soutenir la diplomatie économique.

Notre travail se poursuit toujours, avec des contacts réguliers avec les services de Bercy afin de voir comment nos propositions peuvent être reprises pour faciliter l’accès des PME et ETI à l’export. A suivre...