Garantir la situation personnelle des gérants de PME pour favoriser la création d'entreprises par Nicolas Forissier

Nicolas Forissier est Député de la 2ème circonscription de l'Indre et Président du think tank Les Hussards.

Chef d'entreprise et rapporteur du budget du commerce extérieur, il est très investi sur les sujets économiques, notamment à travers ses travaux en faveur de la transmission des entreprises, le soutien à l'export pour les PME ou pour la création d'un environnement pro-business dans toutes les institutions.

Comme parlementaire, nous sommes régulièrement sollicités par nos administrés qui nous exposent leurs difficultés ou leurs projets, les blocages auxquels ils sont confrontés ou les besoins qui sont les leurs. Bien souvent un Député est le dernier espoir de Français qui ont besoin d’écoute mais aussi de solutions.

Je considère que l’ancrage territorial d’un Député, sa proximité, son accessibilité sont une chance pour les Français mais aussi pour l’élu lui-même. En effet, nous ne faisons pas qu’aider ou recevoir. Au contraire, nos travaux, notre réflexion peuvent être enrichis, alimentés ou même directement liés à la découverte de problématiques peu ou pas connues.

C’est exactement ce qui s’est produit avec ma proposition de loi tendant à garantir la situation économique personnelle des gérants de PME endettés vis-à-vis du régime social des indépendants en situation de liquidation judiciaire. C’est grâce à l’un des habitants de ma circonscription de l’Indre qui m’a alerté sur sa situation et sur les difficultés auxquelles il était confronté avec le régime social des indépendants que j’ai pu agir. La proposition de loi que j’ai déposée vise avant tout à garantir la situation des chefs d’entreprises et ainsi d’encourager à la création et au développement de PME.

En effet, les PME sont des acteurs clés de l’économie française, souvent à la pointe du progrès technologique et de l’innovation. Elles sont nombreuses à exporter leurs biens et leurs services, déposent de plus en plus de demandes de brevets et s’impliquent dans la recherche et le développement. Améliorer la situation, l’accompagnement et notamment l’environnement législatif des PME afin d’encourager la création d’entreprises est donc un enjeu essentiel pour garantir la croissance économique et les emplois de demain.

Toutefois, le risque de faillite et ses conséquences personnelles pour les gérants d’entreprises, souvent aggravées par des dispositifs législatifs peu adaptés à la situation des PME, représentent un obsta- cle important à la création d’entreprises.

Un problème que rencontrent de nombreux gérants de PME en difficulté aujourd’hui sont les créances vis-à-vis de la sécurité sociale des indépendants (SSI), l’ancien régime social des indépendants (RSI), réformé en raison de dysfonctionnements importants constatés régulièrement par la Cour des comptes. Alors que les dettes profession- nelles sont remboursées ou effacées lors de la clôture d’une procédure de liquidation judiciaire, les dettes engagées par le gérant d’une SARL ou d’une EURL, vis-à-vis du régime social des indépendants, sont considérées comme des « dettes personnelles de nature professionnelle ».

La jurisprudence est d’ailleurs confuse dans cette situation. Ainsi, dans un avis du 8 juillet 2016, la Cour de cassation a estimé que : « La dette de cotisations et contributions destinées à assurer la couverture person- nelle sociale d’un gérant majoritaire de SARL et dont le recouvrement est poursuivi par l’URSSAF est de nature professionnelle, de sorte qu’elle échappe en tant que telle à l’effacement consécutif à la procédure de rétablissement personnel dans le cadre du dispositif de traitement de surendettement des particuliers ». Par déduction, cette dette peut donc être intégrée aux créances en compte lors de la liquidation.

Toutefois, en 2017, la Cour d’Appel de Paris a estimé que « l’affiliation obligatoire ne concerne que la personne même du gérant et non pas la société. La créance du RSI est donc une dette personnelle de l’assuré dont il est redevable en son nom propre et non une dette du gérant n’est pas une créance de l’entreprise qu’il gère. La dette de cotisation peut donc n’être intégrée dans aucune procédure d’effacement des créances.

Si le RSI (ou le SSI) déclare sa créance auprès du mandataire judiciaire, elle peut être incluse dans le remboursement ou l’effacement des dettes de l’entreprise. Mais rien n’oblige le RSI à effectuer cette déclaration, d’autant qu’il peut ensuite engager des poursuites individuelles, contrairement aux créanciers de l’entreprise. Dans la plupart des cas, les dettes vis-à-vis du régime social des indépendants ne sont donc pas effacées à la clôture de la liquidation judiciaire. S’il ne parvient pas à recourir les sommes dues, le RSI peut, en dernier recours, exclure les cotisations impayées lors du calcul de la retraire du débiteur.

Les problèmes rencontrés par les dirigeants d’entreprise en difficulté ont été aggravés par les dysfonctionnements du RSI, régulièrement pointés par la Cour des comptes. En 2017, la Cour a noté que «malgré des améliorations, la supervision et le suivi des comptes de ces cotisants demeurent insuffisants dans le réseau, (...) la gestion des données administratives des cotisants reste marquée par des traitements tardifs ou incorrects ».

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018 a prévu la fin du régime social des indépendants. Son article 11 a prévu le transfert des créances du RSI vers les organismes nationaux et locaux du régime général. Il avait été envisagé, lors des débats, d’exclure les créances de l’en- semble des actifs transférés du RSI vers la Sécurité sociale des indépendants. Cette idée n’avait pas abouti, tout comme une proposition de loi analogue visant à amnistier les dettes sociales des travailleurs indépendants en outre-mer.

Dès lors, aidé par l’expertise des services et des administrateurs de la commission des finances de l’Assemblée nationale, j’ai souhaité proposer une modification du code du commerce prévoyant l’obligation, pour le gérant d’une entreprise, de décla- rer ses créances vis-à-vis de son régime de sécurité sociale afin de protéger son patrimoine en cas de faillite.

Cette proposition de loi s’inscrit dans la logique d’autres propositions de loi que j’ai pu déposer sur la baisse de la fiscalité du patrimoine ou sur les donations et en toute cohérence avec les travaux de Génération entreprises. En effet, il me paraît indispensable de soutenir l’activité des entreprises françaises et de leurs dirigeants en facilitant et en récompensant la prise de risques et en essayant de limiter les conséquences d’un échec qui peut faire partie du processus économique, notamment si l’on se réfère aux travaux sur la destruction créatrice, de Schumpeter, notamment.