La réforme du code du travail, le reniement de plus du Gouvernement par Damien Abad

Damien Abad est député de la 5eme circonscription de l’Ain et Président du Département de l’Ain.  Membre de la commission des affaires économiques, il défend les entreprises, notamment les TPE et les PME qui sont le vivier de notre économie.

 

Que pensez-vous de la réforme du code du travail proposé par le Gouvernement ?

 
Sans surprise, le projet de loi El Khomri est décevant. Comme je n’ai pas arrêté de le répéter depuis le début de mon mandat, nous sommes dans une urgence économique qui ne fait que s’accroitre. Aujourd’hui, le chômage reste sur des sommets avec 3,55 millions de personnes sans emploi. Au total, en comptabilisant l'outre-mer et les personnes ayant eu une petite activité, on atteignait 5,76 millions de demandeurs d'emploi fin janvier, soit une hausse de 0,3% sur trois mois.
 
Lutter contre le chômage devrait donc être sans aucun doute LA priorité. Et cela passe par la relance de l’économie, qui se fait en rendant le travail aux Français, et en libérant les entreprises d’un carcan juridique illisible et instable.

 

Alors que pour 62 % des Français le code du travail tel qu’il existe aujourd’hui représente un frein à la création d’emplois en France, une timide tentative de le réformer a, encore une fois, été dévoyée, le texte initial ayant été vidé de sa substance. Les TPE et les PME représentent, quand elles sont capables de prendre des paris sur le futur, l’essentiel des opportunités d’embauche. Pourtant, elles ne bénéficient plus d’aucune mesure du projet de loi tel qu’il ressort du Conseil d’Etat.

 

Que reprochez-vous au projet de loi ?

Nous sommes nombreux à le dire : le texte n’allait déjà pas assez loin, maintenant il recule. Un certain nombre de mesures, pourtant primordiales, a été tout simplement éradiqué du texte, notamment :

La possibilité pour les PME de conclure des accords directement avec leurs représentants du personnel.
Plus de souplesse dans l'organisation du temps de travail avec, notamment, la possibilité de décompter le temps de travail sur 4 mois et de dépasser 44 heures hebdomadaires sur des périodes limitées.
La liberté pour les entreprises de moins de 50 salariés non couvertes par un accord collectif de négocier avec chaque salarié leur passage au forfait jour.
Recul sur les heures de délégation syndicales qui seront portées à 20% d’heures supplémentaires
La liberté de caler le temps de travail des apprentis sur celui de leur tuteur.
La suppression du compte personnel de prévention de la pénibilité.
Le plafonnement des indemnités aux prud'hommes en cas de licenciement sans « cause réelle et sérieuse ».

 

Qu’attendiez-vous de ce texte ?

J’attendais une remise à plat du code du travail, pour qu’il soit plus simple, plus souple, et plus stable. Le code du travail français est passé de six cents articles en 1973 à trois mille huit cents en 2003. Actuellement, le code du travail compte plus de huit mille articles. Pour comparaison, le code du travail suisse comporte cinquante-quatre articles. La complexité est indéniable.

 

De plus, l’insécurité juridique est croissante : les revirements de jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de Cassation sont fréquents et nombreux. Les nouvelles lois successives rigidifient le carcan normatif, et les entreprises n’arrivent pas à suivre l’application de la législation. J’ai d’ailleurs soutenu à plusieurs reprises différents collègues, comme Olivier Dassault et Alain Chrétien qui ont déposé des propositions de loi visant à encadrer la rétroactivité des lois fiscales ou à instaurer une stabilité fiscale des entreprises et des contribuables.

 

En outre, les entreprises sont confrontées à l’absence de souplesse du droit du travail. Ainsi, l’embauche en droit français est enfermée dans des règles juridiques draconiennes. Pour illustration, le contrat à durée déterminée ne peut ainsi être envisagé que dans une dizaine de cas prévus par la loi.

 

Enfin, j’attendais un véritable changement de mentalité relatif à l’entreprenariat. Les entrepreneurs sont la richesse de notre pays. Ils sont les moteurs de notre croissance et participent à l’innovation nécessaire au renouvellement de notre économie. La culture d’entrepreneuriat doit être d’ailleurs accompagnée d’une culture qui accepte le droit à l’échec. Il faut essayer pour réussir, il faut tomber pour apprendre. Il semble donc nécessaire de soutenir les initiatives plutôt que de stigmatiser les échecs.

Que proposez-vous concrètement ?

Avec plusieurs de mes collègues, nous avons déjà déposé un grand nombre d’amendements sur le sujet. Vous pouvez compter sur moi pour à nouveau les défendre et amender le texte dans le bon sens. Il faut impérativement soutenir la création d’entreprises et établir un environnement fiscal et juridique favorable à leur bon développement.

Certaines mesures doivent être prises tout de suite :

-          Réinstaurer la défiscalisation des heures supplémentaires

-          exonérer des charges sociales et fiscales sur toute nouvelle embauche dans les entreprises de moinsde 250 salariés les 2 premières années, puis une montée progressive sur 5 ans

-          abroger le compte personnel de prévention de la pénibilité, devenu aujourd’hui une caricature d’un droit complexe, inapplicable et générateur de bombes à retardement financières pour les comptes sociaux

-          rénover les cas de recours au licenciement économique en prévoyant une définition légale et conventionnelle et plus seulement jurisprudentielle, du licenciement économique.

-          prévoir que les branches puissent négocier des accords de maintien ou de développement de l’emploi afin que les PME puissent y avoir accès

-          compléter l'article L. 1243-2 du code du travail afin de permettre à un salarié engagé en contrat à durée déterminée de pouvoir prendre l'initiative d'une rupture anticipée de son contrat de travail en vue de créer ou de reprendre une entreprise.

 

Le projet de loi sur la réforme du travail ne prend pas en compte certaines catégories de salariés particuliers comme les personnes en situation de handicap qu’il faut aider à insérer dans le monde du travail. Il y a également la question des travailleurs détachés et des frontaliers qu’il faut régler. Cette réforme aurait pu également s’attaquer aux disparités entre fonctionnaires et salariés du privé (comme en supprimant les 3 jours de carence).

Enfin, la réforme de l’apprentissage ne va pas jusqu’au bout. Il faut revaloriser cette filière et insuffler un nouvel état d'esprit en faveur du développement de l'apprentissage. Pour cela il faut mettre en place une voie de formation initiale valorisée et organisée plus librement par les entreprises qui le souhaitent, des diplômes en adéquation avec les besoins des jeunes et des entreprises.

Voici ce que je propose dans le cadre de la réforme du code du travail.