Egalité Homme-Femme dans les entreprises, un constat, des réalités par Valérie Boyer

A l’heure où les femmes représentent plus de la moitié de l’électorat français, elles constituent aujourd’hui un enjeu stratégique à la fois politique, sociétale et entrepreneurial.

Alors qu’au sein des instances de la vie politique française (21,3% au Sénat, 18,9% à l’Assemblée Nationale) elles peinent à trouver leur place, force est de constater qu’il est tout autant compliqué pour elles de s’imposer en tant que valeur ajoutée au sein des entreprises. Trop souvent stigmatisées de par leur rôle de mère, de nombreuses lois ont contribué à leur réintégration dans la vie active. Néanmoins le chemin à parcourir pour le respect de la parité reste encore long et sinueux. Valérie Boyer, députée des Bouches-du-Rhône, nous présente les enjeux de l’évolution de l’égalité Homme-Femme dans les entreprises. 

L’égalité hommes femmes dans les entreprises est un sujet que l’on voit réapparaitre par les partis politiques à chaque campagne électorale. Pourquoi ce sujet est-il si important pour les politiques ? Quels en sont les enjeux ?

 

Ce sujet est récurrent pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce qu’au fil des années, et ce depuis la première guerre mondiale, les femmes ont manifesté une réelle envie à la fois d’indépendance financière mais également de liberté intellectuelle.

La seconde raison est que la part des femmes dans l’électorat français est de plus de 50%.

Tout au long du dernier quinquennat, Nicolas Sarkozy n’a eu de cesse d’améliorer concrètement la condition des femmes. La conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale, notamment par le développement de nouvelles solutions de garde, la promotion de la parité et de meilleures conditions de travail, ou encore la lutte contre les violences faites aux femmes, sont autant de sujets qu’il a eu à cœur de faire progresser. Il a été parmi les premiers à faire émerger une nouvelle génération de femmes politiques. Il les a choisi pour leurs mérites et leurs compétences et leur a confié des postes d’une importance considérable : Christine Lagarde à l’Économie puis au FMI, Nathalie Kosciusko-Morizet à l'Écologie, Valérie Pécresse à l’Enseignement supérieur puis au Budget, Rachida Dati à la Justice.

 

Pour finir la pression des associations féministes est grandissante et c’est ce dernier point que je souhaiterais développer.

Pour parvenir à l’objectif de parité en politique mais également à l’égalité salariale réelle, le débat féministe doit sortir de l’ornière dans laquelle il s’est enfermé depuis plusieurs années. Trop souvent tiraillé entre une approche par la discrimination positive et une approche universaliste axée sur le terme générique et quelques peu utopique des "droits humains", le mouvement s’est peu à peu trouvé dans une impasse.

Si ce débat était intéressant au début du siècle, il est quelques peu désuet pour ne pas dire dépassé au XXIe, à une époque où le chômage, la précarité, la violence sociale et la haine raciale font leur entrée dans toutes les grandes démocraties occidentales. Cela ne veut pas dire qu’il faut abandonner le mouvement féministe, cela veut seulement dire qu’il faut peut‐être changer de paradigme.Le féminisme doit se recentrer sur des fondements plus rationnels, plus institutionnels et donc plus démocratiques. Le féminisme pour être efficace doit être considéré comme une politique publique comme les autres. Ce n’est plus une philosophie ni une idéologie et encore moins un état d’esprit… c’est une politique visant à rééquilibrer certaines asymétries sociales inexplicables et inacceptables.

Quel constat faites-vous de l'égalité homme-femme aujourd'hui?

En 2015, les écarts de rémunération peuvent atteindre 9% à 15%. De manière globale, les femmes gagnent 27% de moins que les hommes.

D’ailleurs, il a été calculé que pour parvenir au même salaire, les femmes devraient travailler 3 mois de plus par an. Cet écart de salaire varie en fonction de l’âge des femmes, notamment chez les cadres, comme le démontre une étude récente de l’APEC[1], passant de 4,2 % chez les moins de 30 ans à 12,5 % chez les cadres de plus de 50 ans. Ces inégalités salariales provoquent mécaniquement des retraites bien moindre pour les femmes.

En juillet 2014, dans son premier avis, le Comité de suivi des retraites s’est penché sur les inégalités entre hommes et femmes au moment de la retraite. Nous constatons que les pensions versées aux femmes restent inférieures à celles que touchent les hommes : l’écart est de 42 % si on ne tient compte que des droits directs, et de 29 % si on inclut les droits dérivés (pensions de réversion, notamment).

C’est pourquoi aujourd’hui nous avons besoin d’actions concrètes !

En 2009, vous avez cosigné, ainsi que de nombreux autres député, une proposition de loi de Jean-François COPÉ et Marie-Jo ZIMMERMANN relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle. Pourquoi cette loi qui ne concerne que les postes importants, vous semblait-elle indispensable ?

Les femmes ont investi massivement le monde du travail, mais elles restent sous-représentées dans les postes hiérarchiquement les plus élevés. Plus précisément, dès qu’il s’agit d’exercer des fonctions à responsabilité, les hommes sont très largement majoritaires. Ainsi, 17,2 % seulement des dirigeants de société sont des femmes. De même, il n’y a que 10 % de femmes dans les conseils d’administration des sociétés du CAC 40. Et si l’on prend en compte les conseils d’administration des 500 premières entreprises françaises, ce pourcentage tombe à 8 %.

La représentation équilibrée des femmes et des hommes dans la prise de décision est pourtant un préalable pour une société démocratique. Elle est aussi le gage d’une gouvernance des entreprises en phase avec la société dans laquelle elles évoluent. Il n’est pas concevable aujourd’hui que des entreprises continuent à se priver de l’expérience et des compétences de femmes qualifiées dans leurs instances de décision.

L’expérience de la Norvège, qui impose depuis 2006 la présence d’un minimum de 40 % de femmes dans les instances de gouvernance des entreprises, montre combien la mixité dans ces instances constitue un facteur de dynamisme potentiellement créateur de richesse. Le succès de la loi norvégienne encourage les autres pays d’Europe à s’engager sur la même voie : en Belgique, la ministre de l’égalité vient d’annoncer sa volonté de légiférer pour atteindre au minimum 30 % de femmes dans les conseils d’administration. La France est très attendue sur ce sujet.

Seule une politique volontariste et le recours à la loi permettront aux femmes d’évoluer plus facilement au sein des instances de gouvernance des entreprises. En effet, la proportion de femmes dans les conseils d’administration n’a péniblement augmenté que de 1 % depuis 2006. Si les mentalités évoluent peu à peu, la mise en place de quotas apparaît cependant indispensable pour parvenir à une représentation équilibrée des femmes et des hommes aux postes de responsabilité.

Les articles 21 à 26 de la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes avaient constitué une première avancée garantissant la place des femmes dans les processus de décision économiques et sociaux. Ils ont toutefois été censurés par le Conseil constitutionnel. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et l’inscription à l’article 1er du principe selon lequel « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales », rendent désormais possible le recours à la loi.

En outre, cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité des objectifs de l’Union européenne. La feuille de route 2010 pour l’égalité entre les femmes et les hommes, arrêtée par la commission européenne retient en effet parmi les six points à mettre prioritairement en œuvre d’ici 2010, la représentation égale des femmes dans la prise de décision.

L’objectif de cette proposition de loi est donc d’envoyer un signal fort. Pour atteindre la parité dans les conseils d’administration en cinq ans, les entreprises vont être conduites à diversifier les profils de leurs administrateurs. Le renouvellement des conseils et leur ouverture aux femmes poseront de facto la question du cumul des mandats et du cumul des fonctions de directeurs généraux et d’administrateurs. Toutefois, mettre fin à l’endogamie du recrutement ne signifie pas tomber dans le travers de la « professionnalisation » des fonctions d’administrateurs.

La loi ne peut tout résoudre, mais elle peut induire un changement dans les mentalités et les pratiques. C’est tout l’objet de cette proposition de loi. L’ouverture des conseils d’administration apportera une conscience plus claire des inégalités qui touchent les femmes actives en général. On peut espérer que des conseils d’administration exemplaires insuffleront une nouvelle sensibilité face aux questions d’égalité salariale ou d’accès à la formation et que notre modèle social et culturel permettra aux femmes de mieux concilier leur vie personnelle et leur vie professionnelle. L’exigence de transparence sur la situation des femmes dans l’entreprise réitérée à plusieurs reprises au cours de cette proposition de loi vise à privilégier cette évolution.

Concrètement qu’implique pour les employeurs l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans une entreprise ?

L’égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans le travail implique le respect de plusieurs principes par l’employeur :
- interdictions des discriminations en matière d’embauche,
- absence de différenciation en matière de rémunération et de déroulement de carrière,
- obligations vis-à-vis des représentants du personnel (élaboration d’un rapport écrit et négociation),
- information des salariés et candidats à l’embauche et mise en place de mesures de prévention du harcèlement sexuel dans l’entreprise.
Des recours et sanctions civiles et pénales sont prévus en cas de non-respect de l’égalité homme-femme. En outre, dans les conditions précisées par le code du travail, les entreprises d’au moins 50 salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à l’égalité professionnelle ; cette disposition est entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2012.

 

Que proposez-vous pour l’amélioration de l’égalité homme/femme dans les entreprises ?

Aujourd’hui d'importantes firmes internationales telles que Facebook ou Apple cherchent à faire des femmes, des hommes comme les autres. Ainsi, elles proposent à leurs employées une compensation financière en échange de la congélation de leurs ovocytes afin de repousser leur maternité dans un but professionnel, incitant les femmes à mettre sur “pause” leur horloge biologique. Jusque-là, c’est la société qui s’adaptait à la grossesse des femmes, mais, avec cette proposition, c’est l’entreprise qui décide qui pourra conduire sa grossesse et quand ! Ne confondons pas égalité et égalitarisme. Avec ce type de réflexion, nous atteignons le degré zéro de l’égalité et poussons notre société à considérer la maternité comme un handicap. Ce sentiment peut expliquer que très peu de femmes saisissent la Justice pour réclamer une égalité salariale. Sur l’ensemble des saisines recensées auprès du Défenseur des droits en 2014 sur le travail, seules 3,3 % concernent des plaintes pour discrimination salariale. Mais ceci ne doit pas être une fatalité ! Aujourd’hui, alors qu’il existe de nombreuses lois relatives à l’égalité salariale, telle que celle du 23 mars 2006, celles-ci sont encore trop rarement appliquées. C’est pourquoi, je demande au Défenseur des Droits, de se saisir de cette question, pour une stricte application de la législation en vigueur.

 

 

 


[1]Association Pour l’Emploi des Cadres