Commerce, artisanat, industrie : préparons le sursaut économique français par Jean-Baptiste Lemoyne

Maire de Vallery qui compte 562 habitants, conseiller départemental de l’Yonne, Jean-Baptiste Lemoyne est un des plus jeunes sénateurs du Palais du Luxembourg. En tant que secrétaire national au Commerce et à l’Artisanat au sein des Républicains,  il a pour mission d’élaborer le projet du parti autour de l’allégement de la vie administrative et fiscale des travailleurs indépendants. Un regard neuf et dynamique sur un secteur qui s’essouffle.

 

 

 

 

En tant que secrétaire national au commerce et à l’artisanat, comment voyez-vous l’avenir de ces secteurs pourvoyeurs d’emplois ?

 

Vous avez raison de souligner combien le commerce et l’artisanat contribuent à l’économie nationale ! Ce sont près de 6 millions de personnes qui travaillent soit dans l’artisanat, soit dans le commerce. Des centaines de milliers d’indépendants, de patrons de TPE et de PME, y donnent leur chance à de nombreux jeunes apprentis qui, souvent, deviennent ensuite leurs employés, leurs chefs d’équipe et qui, parfois, se mettent aussi à leur compte.

 

Bref, par le modèle qu’ils proposent, artisans et commerçants contribuent au maintien d’un ascenseur social qui, pour beaucoup de Français, s’est cassé. Malheureusement, on ne peut que regretter les attaques portées à ce modèle. Pour les artisans, je pense en particulier aux aides à l’apprentissage qui ont été rabotées depuis 2012, avec pour corollaire une baisse des entrées en apprentissage ! Ainsi les centres de formation dans le secteur du bâtiment observent une baisse de 8%

 

S’agissant des commerçants, le Gouvernement ne leur fait parfois pas de cadeau. Prenez les buralistes, souvent le dernier commerce en milieu rural, donc qui rend de nombreux services. Pourquoi s’échiner à leur faire rendre gorge avec les fameux paquets « neutres » que nous serions les seuls à imposer sur le continent ? Cela va contribuer à faire exploser le commerce illicite, notamment sur internet.

 

On le voit, il est donc essentiel d’armer nos commerçants pour que le web soit un canal supplémentaire de distribution et non pas simplement une jungle où tout s’achète soldé. De même le savoir-faire de nos artisans doit être préservé en luttant contre le dumping social des travailleurs détachés.

 

Vous êtes élu d’un territoire rural où la filière agroalimentaire est importante. Comment faire en sorte que la France reste à l’avant-garde dans ce domaine ?

 

Les dernières semaines et les derniers mois ont montré combien il est urgent d’apporter une réponse structurelle pour permettre la survie de nos filières agroalimentaires, de l’amont vers l’aval, du producteur au distributeur ! C’est paradoxal lorsqu’on pense combien l’image de la France est associée à la gastronomie, aux produits de qualité…

 

Aujourd’hui bon nombre d’éleveurs ou de producteurs de lait ne s’y retrouvent plus. Comment ne pas comprendre leur sentiment de révolte et d’injustice lorsque le prix de vente ne couvre même plus le prix de revient ? Pour permettre à nouveau à ces exploitants agricoles de vivre décemment de leur travail, il n’y pas trente-six solutions : un moratoire sur les normes, notamment environnementales, doit être décrété et les charges qui impactent le coût du travail doivent être baissées pour faire face à la concurrence allemande ou des pays de l’Est entre autres.

 

De la même façon, les industriels ou transformateurs font face à une loi d’airain des distributeurs qui les conduit maintenant à aller chercher des débouchés et des marchés à l’étranger car ils sont déficitaires sur leurs activités françaises. Pour faire face à ce contexte, certains ont du se parler, échanger des informations. Et si cela est répréhensible, permettez-moi de regretter les amendes disproportionnées parfois prononcées par l’Autorité de la concurrence, conduisant certaines PME familiales à se séparer d’actifs industriels pour les payer… Oui à la concurrence, mais non à la mise à mort de nos industries agroalimentaires ! C’est pourquoi j’avais fait adopter par le Sénat un amendement visant à ce qu’une sanction de l’Autorité de la concurrence « ne mette pas irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et ne conduise pas à priver ses actifs de toute valeur ». Malheureusement, le Gouvernement l’a purement et simplement effacé en ayant recours au 49.3 à l’Assemblée nationale…

 

Issu de la famille des Républicains et Indépendants, dont la matrice est libérale, considérez-vous que la France accorde suffisamment de place aux libertés économiques ?

 

Il est vrai que dès qu’on évoque les libertés économiques, le travers national est d’être brocardé en « libéral » ou en « ultra-libéral ». Or, vous l’avez compris, si je revendique la nécessité de libérer les énergies, je ne tombe pas dans l’angélisme béat et idéologique puisque je revendique également la possibilité de réguler des situations comme celles que nous évoquions avec nos industries agroalimentaires.

 

Cependant, aujourd’hui, entreprendre en France n’est pas forcément aisé. Le développement de l’emploi et la création de richesses sont entravés par un certain nombre de freins juridiques, règlementaires. Certes, les personnes en activité sont de mieux en mieux protégées et ont de plus en plus de droits. Mais celles et ceux qui sont en recherche d’emploi, les « outsiders », en pâtissent car un employeur y réfléchit à plusieurs fois avant de prendre la décision d’embaucher… En ce sens, oui il faut libérer une partie de notre économie ! Ce sera d’ailleurs l’objet d’une convention des Républicains le 30 septembre prochain. Notre ami Gérard Cherpion évoquera les réformes à initier en matière de droit du travail pour relever le défi de la lutte contre le chômage.  

 

Selon vous, quels sont les atouts de la France dans la mondialisation ?

 

La France bénéficie d’une situation géographique privilégiée en étant un véritable carrefour entre l’Europe du Nord et celle du Sud. Par ailleurs, par son histoire et sa langue, elle a des liens privilégiés avec l’Amérique du Nord et avec le continent africain, qui va probablement connaître une accélération de sa croissance économique. Il est d’ailleurs dommage que la France ne joue pas davantage la carte de la Francophonie car les Canadiens et les Québécois ne s’en privent pas ! Les pays qui ont le français en partage ont énormément à mettre en commun dans le champ économique, au-delà des grandes messes politiques francophones.

 

Au-delà, la France est en tête dans un certain nombre de secteurs où elle fait donc figure de référence. Je pense notamment au nucléaire ou au luxe par exemple. A nous de conforter ces industries que l’on souhaite nous copier. En ce sens, avoir le réflexe de la veille et de l’intelligence économique doit devenir une hygiène de vie pour les dirigeants politiques et des entreprises. La guerre économique fait rage et nos « alliés » ne nous épargnent pas. De ce point de vue, je considère qu’il convient d’être vigilant sur le contenu du projet de traité transatlantique entre l’Union européenne et les Etats-Unis. Il ne s’agit pas de se recroqueviller mais bien de préserver nos intérêts économiques.