L'école 42, un ovni dans le monde de la formation par Annie Genevard

C’est peu de dire que l’école 42, que Génération Entreprises – Entrepreneurs Associés a visitée, surprend. On ne peut en parler sans mentionner celui qui en est à l’ origine, Xavier Niel, rendu célèbre par son entreprise Iliad-Free, et qui a décidé en 2013 de créer et de financer une école associative privée dédiée à la programmation informatique. Les frais de fonctionnement seront pris en charge pendant les 10 premières années, soit 20 à 50 millions d’euros. Cette générosité est en soi une originalité hors du commun. 
L’école est née aussi d’une conviction, celle que le système universitaire français n’est pas suffisamment adapté aux besoins des entreprises et que les formations supérieures privées écartent trop d’étudiants en raison de leur coût. La gratuité et l’absence de diplôme requis pour intégrer l’école sont censés apporter une réponse à ce constat. L’accès à l’école est toutefois subordonné à la réussite de tests organisés pour effectuer la sélection de candidats fort nombreux et dont il faut bien mesurer la capacité et la détermination à apprendre l’informatique. Près de 850 par promotion sont retenus sur 3 ou 4 000 admissibles ! 
Une autre particularité, la plus marquante, réside dans la façon dont la formation est dispensée. Elle ne comporte ni professeurs, ni cours magistraux. De quoi désarçonner ou révulser tous ceux qui sont attachés au principe de la transmission des savoirs par des professeurs. La formation de l’étudiant dure entre 2 et 5 ans et concerne tous les métiers du développement informatique. Elle s’organise en projets proposés par l’équipe pédagogique et qui doivent être corrigés par d’autres étudiants pour être validés. La formation est fondée sur le « pair à pair », c’est à dire l’autoformation au contact d’ autres étudiants et dans une totale autonomie qui selon ses initiateurs favorise l’acquisition de compétences poussées en programmation et la capacité à innover. C’est au terme de la réalisation de ces projets que l’on considère la formation achevée.
L’école fonctionne 7 jours sur 7 et 24h sur 24 et chacun organise son temps comme il le souhaite. Les locaux eux-mêmes sont étonnants. De vastes espaces en open space d’une modernité sobre sont dédiés à toutes les fonctions : le travail, la restauration,le repos, la création artistique. C’est pourquoi, lors de notre visite nous avons vu des étudiants dormir sur des matelas à même le sol, d’autres, écouteurs vissés aux oreilles et totalement indifférents au monde extérieur, devant leurs écrans, d’autres échangeant sur leurs travaux, des va et vient incessants dans les espaces de circulation étonnamment calmes. Selon le directeur, il n’y a que très peu de problèmes de discipline : quelques problèmes de drogue dans le passé vite réglés. Tous les espaces sont sous vidéo surveillance tout de même; Dans tous les lieux sont exposées des œuvres d’art contemporain de belle facture, transformant l’école en une véritable galerie d’art, régulièrement visitée dans ce seul but. Un responsable est d’ailleurs entièrement dédié à cette fonction. Lorsque nous étions dans l’école, un jeune graffeur était en train de réaliser une fresque remarquable. Tout y est surprenant, jusqu’à l’ascenseur revisité grâce à un programme informatique et par la facétie de quelques étudiants en une ambiance lumineuse et sonore de boîte de nuit !
Régulièrement visité, cet OVNI que le Ministère de l’enseignement supérieur n’a pas agréé intrigue et dérange tant sont bousculés les repères qui jalonnent ordinairement les lieux de formation. Certains étudiants d’ailleurs, à peine arrivés, s’enfuient car l’absence de cadre, de maîtres, d’examens, d’évaluation traditionnelle, de mode de vie, peut être très déstabilisante. N’empêche, les étudiants qui se pressent aux portes de l’école n’ont aucune peine à trouver des stages dans les entreprises qui les plébiscitent. Une situation totalement inverse à ce qui se passe partout ailleurs. 
La première promotion arrive cet automne sur le marché du travail et il sera intéressant de voir les conditions de son insertion professionnelle. Comment en effet vont-ils s’adapter aux règles du monde de l’entreprise alors même que l’école 42 sollicite au contraire de s’affranchir des approches traditionnelles pour devenir de bons développeurs. C’est l’une des principales questions que beaucoup se posent et ce sera un peu l’épreuve de vérité sur la validité d’une telle démarche.